Quand on s’intéresse à un mode de vie comme le zéro déchet, on apprend très vite que la règle la plus efficace est de refuser. C’est une règle qui comporte déjà des défis pour chaque personne, mais le niveau de difficulté peut quintupler avec des enfants. C’est pourquoi j’aimerais partager le cheminement de ma fille depuis presque un an.
Pour l’occasion du Jour de la Terre, je fais chaque année une causerie avec les enfants du CPE où je travaille. L’année passée, j’ai pratiqué ma causerie avec ma fille qui venait d’avoir trois ans. Cet événement a été le début d’une énorme prise de conscience pour elle. Alice, qui adore la nature, a bien compris que nous pouvons « faire bobo à la Terre » soit par nos choix de consommation, soit par la façon dont nous disposons de ce que nous ne voulons plus.
La semaine d’après, nous sommes allées à l’épicerie et la caissière lui a donné un ballon de sa couleur préférée. Quand j’ai vu le sourire de ma fille, j’ai hésité quelques instants sur l’intervention que je devais faire.
Comment faire pour qu’elle apprenne à refuser sans se sentir brimée ?
J’ai terminé de payer et nous nous sommes éloignées de la caisse. Je lui ai alors demandé si elle se souvenait de ce qui arrive aux déchets après que le camion les ait ramassés. Puis, je lui ai expliqué que les ballons se brisent très facilement, qu’on ne peut pas les réparer et qu’ils s’en vont dans les poubelles pour très longtemps.
Je lui ai demandé doucement si elle se sentait bien de le redonner à la caissière. C’est à ce moment qu’elle m’a totalement étonnée : elle a donné un câlin à son ballon, est allée le redonner et est revenue avec un grand sourire. WOW !
J’ai alors foncé vers le renforcement positif en la félicitant, en préparant une activité spéciale pour elle en lui rappelant que j’étais fière qu’elle prenne soin de la Terre et je n’ai pas hésité à raconter cette anecdote à tout le monde devant elle. C’est ainsi qu’elle a refusé d’elle-même les prochains petits cadeaux.
Par la suite, j’ai commencé à lui expliquer chaque décision que je prenais. Elle a donc appris pourquoi il est préférable d’acheter des choses quand nous en avons besoin et de les acheter usagées, si possible. Elle a compris d’où viennent les choses que nous consommons et ce qui leur arrive en fin de vie. Elle sait qu’il existe des options lavables pour presque tout ce qui est jetable. Elle nous voit réparer nos choses brisées et commence à les réparer elle-même avec de l’aide. Je l’ai amenée avec moi lors de mes commissions, donc elle me voit acheter notre nourriture en vrac et faire remplir nos produits d’hygiène.
Est-ce que c’est efficace à 100 % ?
Bien sûr que non, elle va avoir quatre ans ! La semaine passée, elle a vu un distributeur de bonbons de la PatPatrouille. Son premier réflexe a été de dire qu’elle aimerait l’avoir. Je suis allée le prendre sur l’étagère et je l’ai mis dans ses mains. Je lui ai montré calmement que le jouet est emballé, que les bonbons qui vont dedans sont emballés et que lorsqu’elle aura tout mangé les bonbons, le jouet ne servira plus à rien et deviendra donc un déchet. Elle m’a donc répondu qu’elle ne le voulait pas et nous avons continué notre épicerie.
Lors d’une soirée avec mes amies, elle a refusé des chocolats Lindt alors que tous les autres en mangeaient devant elle. Puis, elle a continué son dessin comme si de rien n’était. Elles lui ont alors demandé « pourquoi ? » Alice a répondu qu’ils sont emballés et m’a regardé fièrement. Je lui ai fait un clin d’œil, elle a essayé de m’en faire un en retour et s’est remise à dessiner.
Mon amie m’a alors demandé si je la chicanerais si elle acceptait. La réponse est sans hésiter : NON ! Je crois sincèrement que ça doit venir d’elle afin qu’elle garde une attitude positive et un sentiment de faire la bonne action. Si je la forçais, elle n’apprendrait pas à prendre des décisions par elle-même, je créerais un manque et cela augmenterait les risques qu’elle aille en direction opposée en vieillissant.
En décembre, nous sommes allées à la parade du Père Noël. À un moment, un lutin passe donner des cannes de bonbon aux enfants. Alice refuse avec le sourire. Puis, un autre passe, et un autre ! Je n’ai pas compté, mais je crois que ce n’est pas exagéré de dire qu’elle a refusé 15 fois.
Après deux heures dehors, ses pieds commencent à geler. Nous rentrons donc dans un restaurant pour qu’elle se réchauffe. À la table d’à côté, trois enfants mangent leur montagne de cannes de bonbon. Puis, la serveuse arrive et en propose une à Alice. Celle-ci me regarde en silence. Je lui demande si elle aimerait la manger et elle me répond oui. Je lui ai alors dit que c’est correct et je l’ai félicitée d’en avoir autant refusé.
Je crois que ce qui a aidé Alice dans son cheminement, c’est qu’elle a été beaucoup sensibilisée à la protection de la nature, qu’elle se fait expliquer les raisons de chaque décision, qu’elle me voit refuser beaucoup de choses et finalement, qu’elle reçoit beaucoup de renforcement positif. Elle a aussi vu que « refuser » ne veut pas dire « se priver ». Par exemple, elle avait vraiment envie de « Pop Cycle » l’été dernier. Nous avons donc trouvé une recette qu’elle aimerait goûter et nous l’avons faite. Elle a donc participé à la solution et cela nous a permis de passer du temps de qualité ensemble.
Sans qu’elle le sache, elle m’a donné les ailes pour être réellement capable de presque tout refuser. En la voyant décliner pratiquement tout avec le sourire, je me dis parfois que c’est elle mon exemple !